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LE NEGOCE DU VIN DE BORDEAUX 1/2

LE NEGOCE DU VIN DE BORDEAUX  1/2

Le fait que Bordeaux soit à la fois une ville et un vin et que leurs histoires propres soient intimement liées, a contribué à ce que le nom de Bordeaux soit connu dans le monde entier.

Cette histoire d’amour commence très tôt dans l’ère chrétienne, et s’accélère au Moyen-Age avec l’occupation anglaise puis avec l’implantation sur le quai des Chartrons des marchands venus du Nord et enfin avec l’arrivée des Corréziens à Libourne.

A partir de 1970, le poids économique du négoce s’affirme avec le développement de « maisons » nouvelles et la constitution d’alliances entrepreneuriales fortes. Les activités et les réseaux se diversifient ; quelques entités restent spécialisées dans la vente et le vieillissement des crus classés.

Un négoce fort, relayé par les grands propriétaires, entretient aujourd’hui la position historique des grands Bordeaux de par le monde, et la ville a la prétention d’être une des capitales mondiales du vin.

HISTOIRE

Voici deux mille ans que la ville de Bordeaux est située à l’épicentre d’un vaste vignoble. Sa chance a été de posséder un fleuve qui la traverse de part en part pour accéder à la mer et transporter les vins vers le Nord de l’Europe. En effet l’histoire du commerce des vins de Bordeaux remonte au 1er siècle après J.C. avec les premières vignes (1) sur échalas dans Burdigala. Avec l’occupation anglaise durant trois siècles, les plantations s’accélèrent au point que l’Aquitaine devient le « cellier de l’Angleterre ». Au XIVème siècle on note un trafic déjà très important (un million d’hectolitres), l’un des plus grands de tout l’occident médiéval.

Ce qui explique déjà à cette époque, la richesse, le renom et la magnificence monumentale de Bordeaux. Cet âge d’or touche à sa fin en 1453 (bataille de Castillon). Si par la suite Londres reste malgré tout fidèle au vin de Bordeaux, le commerce doit se réorienter vers les Flandres et plus au Nord, vers la Hanse (2) ainsi que vers des destinations coloniales plus lointaines (3).

Au XVIIème siècle les vins et eaux de vie prennent une part importante dans l’activité portuaire après le sucre et le café. L’apogée se situe à la fin de ce siècle avec des exportations très diversifiées  vers les colonies d’Amérique, les Pays Bas, les ports allemands, les côtes suédoises, danoises et russes. A cette même époque des marchands de ces pays, précédés par quelques pionniers arrivés à  la fin du XVIIème siècle (4), viennent s’établir à Bordeaux, rive gauche, en aval de la ville sur l’ancien emplacement du couvent des Chartreux devenu le quartier des Chartrons.

Ci-après une liste non exhaustive avec la date de fondation des « maisons » toujours en activité (5), certaines ayant quitté le quai des Chartrons : 

Beyerman (P.B.) 1620 ; Barton (et Guestier) (Ir) 1725 ; Jonhston (Ec) 1734 ; Schröder et Schyler (All)1739 ; Lawton (Ir) 1740 (seul courtier anglo saxon, associé à Tastet en 1830) ; Mestrezat (All) 1815 ; Cruse (All) 1819 ; Echenauer (All) 1850 ; Kressmann (All) 1871 ; Quien (P.B.) 1877 ; Woltner (Pays Baltes) 1897 ; Sichel (G.B.) 1856 ; Mahler-Besse (P.B.) 1892 ;  Adet-Seward (G.B.) 1852 ;  Lichine (USA) 1947…

En même temps que des négociants installent leur tête de pont à Bordeaux, on assiste, à partir de la fin du XVIIème siècle, à l’extraordinaire montée qualitative des meilleurs crus du Médoc et des Graves avec l’avènement du « new french claret ». A la vinification historique d’un vin peu coloré (claret),  peu tannique, de faible longévité, se substitue lentement la technique de macération plus longue du  marc. On assiste à la naissance des grands crus. L’élevage probatoire en barrique avec toutes les manipulations afférentes (ouillage, sulfitage, collage au blanc d’œuf, soutirage, tirage au fin ...) (6), permet au vin de s'épurer et de se bonifier. Il existe un lien étroit entre cette mutation,  faisant apparaître un vin coloré, riche en extrait de fruit, en tannin, pouvant se conserver  favorablement, et la recherche de goûts nouveaux et raffinés par la « high society » londonienne.

L’influence prépondérante des Anglo-Saxons sur la famille vitivinicole nous aide à comprendre le  déterminisme des grands crus.

L’implantation de ces pionniers, réputés pour leur rigueur et leur raffinement, sur le quai des Chartrons, puis dans le vignoble, a joué un rôle considérable dans les orientations qualitatives et le faire-savoir. Pour eux, souvent de confession protestante, il n’est pas question d’abuser de la boisson mais au contraire de déguster le vin dans une ascèse, à la fois physiologique et spirituelle. Le cabernet sauvignon de la rive gauche convient admirablement à cet exercice en donnant au vin une structure rigoureuse qui demande à l’homme de goût la sagesse d’attendre une ou deux décennies l’excellence du vin épanoui. D’ailleurs en Angleterre, on déguste à table et au salon où on partage les vins vieux de Bordeaux, de Porto, de Xeres  ou  de Malaga, entre hommes de bon goût et d’esprit éclairé. Ainsi est-on enclin à rapprocher, en partie, la civilisation du vin de Bordeaux de l’éthique protestante : acquérir, gérer avec intelligence et  profiter avec modération sinon avec retenue des plaisirs hautement raffinés.

L’histoire du négoce bordelais doit également inclure des entrepreneurs français qui, certes plus tardivement, ont été attirés par les grands crus de Bordeaux et leur commerce.

Ci-après, une liste non exhaustive avec les dates de création des « maisons » les plus importantes toujours en activité :

Fernand Richon 1789 (devenu Descaves 1920) ; Dubos 1785 ; Cuvelier 1803 ; Calvet 1850 ; de Luze 1820 ; Mau 1897 ; Salin 1798 ; Dourthe 1840 ; Veyret Latour 1840 ; André Quancard André 1844 ; Cheval Quancard 1850 ; Dulong 1873 ; Descas 1890 ; Duclot 1885 ; Borie 1870 (devenu Borie Manoux 1950) ; Joanne 1862 ; Ginestet 1910 ; Barriere 1920 ; Cordier 1920 ; Baron Philippe de Rothschild 1931 ; Castel 1949 ; Robert Giraud 1953 ; de Rivoyre 1954 ; Bouey 1959...

Suite au prochain billet

 

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À propos

Franck Dubourdieu

Œnologue-Consultant, critique indépendant, bloggeur

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